dimanche 24 mai 2009

La philosophie a-t-elle un avenir?

Il ne s'agit pas de reprendre la question née de l'angoisse des philosophes quant à la valeur de leur discipline ou quant à sa finalité, mais de prendre la philosophie pour objet et de se demander si les philosophes peuvent encore espérer tracer quelques voies dans l'œuvre collective de la pensée d'une époque. Car la nôtre semble bien tristement éloignée de toute considération de ce genre. Et nos gouvernements ne font rien pour en contrecarrer le mouvement délétère, eux qui n'en ont que pour la mise en place de politiques inspirées, mais malavisées, de la droite néolibérale qui, en dépit de ses échecs retentissants, aura réussi à faire plier l'échine des États et faire de ceux-ci, encore une fois, les gardiens du temple écroulé.

Je lisais récemment un blogue financier (j'en ai perdu la trace) dans lequel l'auteur demandait si les gouvernements avaient raison ou non de financer la recherche universitaire ou privée. Les réponses des lecteurs étaient en vaste majorité contre: pas rentable, pas fiable, trop peu de contrôle, aucun retour rapide sur l'investissement, disaient-ils en chœur. Comme si les résultats de la recherche, comme le prétendent nos gouvernants actuels d'ailleurs, se devait absolument d'être mesurés à l'aulne de la rentabilité économique à brève échéance. Cela se peut, bien sûr, mais qui oserait affirmer que cela puisse servir de critère unique? Et la rentabilité se mesure à quoi? Au risque rapporté à la somme investie, réparti sur une échéance quelconque: comment appliquer cet élément de mesure à un projet qui vise, dans le cas paradigmatique, à trouver ce qui n'existe pas en l'état actuel des connaissances? Pourquoi investir des milliards dans un accélérateur de particules afin d'y mesurer un bozon, entité purement théorique pour l'instant, mais qui pourrait fournir la clé du décryptage de la structure de la matière? (http://public.web.cern.ch/public/fr/LHC/LHC-fr.html)

Depuis quelques années, la philosophie est, dans les universités nord-américaines du moins, inscrite au nombre des sciences dites humaines. Sans doute à cause de l'imprécision de sa méthode et de ses instruments de mesure de ses objets... Dans tous les cas, cette inscription aura contribué à faire en sorte de modifier l'orientation des programmes de philosophie: de la culture classique, via l'étude des grands philosophes et l'étude des grands commentaires sur leurs œuvres (pourtant passage obligés [je connais toutefois un diplômé de maîtrise en philosophie qui m'a avoué n'avoir jamais lu "La critique de la raison pure" de Kant]), l'on est passé à un enseignement résolument orienté sur les problèmes de la philosophie contemporaine, laquelle est fortement enracinée dans la discussion sur des questions relatives à l'épistémologie des sciences (l'un des domaines de ma propre pratique philosophique, et dont je ne cherche donc pas à diminuer l'importance...!).

Ainsi, la philosophie est pour beaucoup un discours sur la science ou un discours d'accompagnement de la science (j'omets volontairement d'inclure dans ce portrait la philosophie populaire, celle qui se donne des airs de dandy de salon littéraire). Et elle prend parfois les traits de la science elle-même au prétexte de la rigueur et de la normativité interne de la méthode qu'elle emprunte à cette dernière. Est-ce un bien? Est-ce un mal? Ce sont là des questions importantes mais qui méritent un traitement particulier, du point de vue de l'éthique des sciences et des technologies. Ce qu'un commentaire comme celui que je fais maintenant, à froid, ne peut espérer régler en quelques phrases.

Mais s'il faut poser la question de l'avenir de la philosophie, cela se doit d'être fait à partir de ce que la philosophie est devenue, tant du point de vue de sa pratique, que de celui de ses thèses. Et l'évaluation éthique fait nécessairement partie de la démarche.

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